Une révolution verte dans le BTP : que faut-il savoir ?
Le secteur de la construction est depuis longtemps pointé du doigt pour son impact environnemental : 40 % de l’énergie consommée et 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Pas étonnant que les régulations se renforcent. Avec l’année 2024, une nouvelle étape est franchie. Le législateur affine ses exigences pour une construction plus sobre, plus saine et plus durable. Que vous soyez promoteur, maître d’œuvre ou investisseur immobilier, mieux vaut être bien informé.
Dans cet article, on fait le point sur ce qui change vraiment cette année, comment s’y préparer sans perdre le nord, et surtout, pourquoi ce virage est aussi une opportunité pour l’ensemble des acteurs de l’immobilier.
Les principales nouveautés réglementaires en 2024
Depuis janvier 2022, la RE2020 (Réglementation Environnementale 2020) est en vigueur, succédant à la RT2012. Mais en 2024, plusieurs ajustements majeurs viennent renforcer cette réglementation, avec un objectif clair : accélérer la transition écologique du bâtiment.
Voici les points clés à retenir pour cette année :
- Abaissement des seuils d’émissions de carbone : L’indicateur Ic construction (impact carbone des matériaux et du chantier) est abaissé. Les constructeurs doivent intégrer davantage de matériaux biosourcés (bois, chanvre, paille…) et limiter les éléments très émissifs comme le béton classique.
- Deuxième palier pour les maisons individuelles : Les émissions maximales autorisées pour la construction de maisons individuelles sont désormais plus strictes. Cela exclut progressivement les systèmes de chauffage au gaz ou au fioul.
- Extension de la RE2020 aux bâtiments de bureaux et scolaires : À partir de 2024, la RE2020 s’applique aux locaux tertiaires neufs, y compris les bâtiments de bureaux, les établissements scolaires, les crèches, etc.
Ces ajustements poussent à repenser l’intégralité du cycle de vie du bâtiment, de la conception aux matériaux, jusqu’à la déconstruction. Et cette logique globale, aussi contraignante soit-elle de prime abord, pourrait devenir un avantage compétitif non négligeable à moyen terme.
Matériaux biosourcés : quand la nature entre dans le béton
Il ne s’agit plus d’un effet de mode. La réglementation incite désormais, parfois de manière très directive, à intégrer des matériaux biosourcés dans les constructions neuves. Pourquoi ? Parce qu’ils stockent le carbone plutôt que de l’émettre. On parle ici de matériaux issus de la biomasse, comme :
- Le bois (structure, bardage, planchers…)
- La ouate de cellulose (isolation)
- Le lin, le chanvre, la paille…
Même le béton évolue. Des versions bas carbone intègrent des liants alternatifs aux ciments traditionnels. Certaines filières innovantes, par exemple basées sur l’argile crue ou le béton de chanvre, sont en plein essor.
La réticence initiale sur la solidité ou la durabilité de ces matériaux tend à disparaître grâce aux retours d’expérience rassurants sur des bâtiments performants, y compris dans des zones climatiques exigeantes. Un exemple ? À Strasbourg, un immeuble en structure bois-paille de plus de 6 étages a vu ses performances saluées et ses coûts maintenus sous contrôle. Comme quoi, respect de l’environnement et performance économique ne sont pas incompatibles.
Chauffage : vers la fin du gaz
C’est l’un des points qui suscite le plus d’inquiétude chez les constructeurs traditionnels. Les systèmes de chauffage au gaz naturel sont de moins en moins compatibles avec les exigences de la RE2020. À terme, ils seront totalement exclus des constructions neuves.
En 2024, les pompes à chaleur (PAC), les poêles à bois performants ou les chaudières biomasse s’imposent peu à peu comme les alternatives incontournables. La contrainte énergétique impose de concevoir des bâtiments ultra-isolés et peu gourmands pour que ces équipements restent suffisants et efficaces.
On voit ainsi émerger une nouvelle conception des logements : orientation bioclimatique, ventilation naturelle, inertie thermique… L’enveloppe du bâtiment devient un acteur à part entière de la performance énergétique.
Des bâtiments qui anticipent… ou qui se rattrapent ?
La RE2020 marque l’entrée dans une ère où la performance environnementale n’est plus une option mais une condition sine qua non. Certains promoteurs ont pris de l’avance. D’autres commencent à courir après le train. À qui le tour de s’adapter ?
Les grands acteurs comme Bouygues Immobilier ou Nexity ont massivement investi dans la R&D sur les matériaux bas carbone, réduisant parfois de 30 % leur empreinte dès 2023. D’autres expérimentent des bâtiments à énergie positive qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment.
Mais les PME du secteur peuvent elles aussi tirer leur épingle du jeu. Avec un bon accompagnement (Bureaux d’études spécialisés, AMO environnement, assistance publique aux innovations…), les maîtres d’œuvre locaux parviennent à proposer des ouvrages à la fois attractifs, réglementaires et rentables.
Le financement et les aides : l’État pousse à la transition
Si les nouvelles normes représentent une augmentation de coûts de 5 à 10 % dans certains cas, elles s’accompagnent aussi de leviers financiers non négligeables. En 2024, plusieurs dispositifs sont renforcés :
- MaPrimeRénov’ pour les bâtiments collectifs neufs : extension possible sous conditions, notamment pour certains matériaux bas carbone.
- Eco-prêt à taux zéro renforcé : pour le logement social et les bailleurs privés, permettant de financer les surcoûts liés à la RE2020.
- Bonus de constructibilité : dans certaines villes pionnières, comme Lyon ou Nantes, grâce aux PLUzs qui valorisent les opérations à faible empreinte.
L’accompagnement local est aussi crucial : l’ADEME, les Chambres de Commerce ou les régions proposent souvent des aides personnalisées ou de l’assistance technique gratuite. À ne pas négliger donc pour ceux qui veulent faire les bons arbitrages.
Et pour les investisseurs immobiliers ?
Les nouvelles normes ne concernent pas que les bâtisseurs. Les promoteurs, gestionnaires de parcs locatifs ou investisseurs en VEFA ont tout intérêt à intégrer ces changements dans leur stratégie.
Pourquoi ? Parce que les logements construits en 2024 devront rester compétitifs pendant 30, 40 ou 50 ans. Un bien qui affiche un bon bilan carbone, un DPE A et des performances thermiques de haut niveau voit sa valeur patrimoniale renforcée. On parle déjà de « prime verte » sur certains marchés tendus (Paris, Annecy, Bordeaux…), avec des écarts de prix pouvant atteindre jusqu’à 15 %.
Et rappelons au passage que les passoires thermiques seront interdites à la location d’ici 2028. Les biens neufs bien conçus seront donc les grands gagnants de la réglementation à venir. Une construction mal pensée aujourd’hui ? C’est un actif à problèmes demain.
Des chantiers aussi concernés
Au-delà du bâtiment lui-même, l’impact environnemental du chantier devient un point de vigilance. En 2024, on regarde de plus près :
- La consommation d’eau et d’énergie sur site
- La gestion et le tri des déchets du BTP (déchets inertes, bois, plastique…)
- L’empreinte du transport des matériaux (on privilégie les circuits courts)
Certains promoteurs s’engagent à monter des chantiers décarbonés à 100 %, utilisant par exemple des engins électriques ou du transport fluvial pour les matériaux. Cela influence non seulement leur bilan carbone mais aussi leur image publique – argument important en zone urbaine, où la densification crée souvent des tensions avec les riverains.
Une opportunité économique, pas une punition
Il est tentant de voir ces évolutions comme une énième contrainte réglementaire complexe. Mais à bien y regarder, c’est une transformation qui devance simplement les attentes du marché.
Les usagers recherchent des logements confortables, économes en énergie et respectueux de l’environnement. Les collectivités soutiennent les projets les plus vertueux. Et le législateur crée un cadre où l’innovation écologique devient rentable.
Construire selon les normes environnementales 2024, ce n’est pas « faire joli sur le papier » : c’est répondre aux enjeux d’aujourd’hui pour préparer l’immobilier de demain. Les professionnels qui anticipent ces changements ont un coup d’avance. Pour les autres, il n’est pas trop tard.
Alors, prêt à bâtir du durable ?